Histoire(s) & patrimoine de Charleroi |
Le Docteur Louis Dogniaux, habillé avant une opération. Carte postale ancienne, Edition Belge |
Les conditions de vie et de travail des ouvriers jusqu’à la fin du XIXième siècle étaient plus que déplorables. A partir du milieu du XIXième, la condition des travailleurs va lentement s'améliorer, mais il faudra plusieurs décennies pour que leur situation sanitaire devienne réellement acceptable. Les industries ont marqué fortement le paysage de Charleroi et sont étroitement liées au développement souvent anarchique de quartiers et corons à proximité des usines. Des milliers de familles sont installées au milieu des multiples pollutions engendrées par les industries (bruit, air vicié, eaux souillées,…). Lentement, des initiatives vont permettre d'améliorer le quotidien des travailleurs, ainsi que leur état de santé. Au XXième siècle, ce travail est toujours en cours : à partir des années 1930, de grands ensembles sont érigés par l'Intercommunale d'Oeuvres Sociales pour la Région de Charleroi afin d’améliorer les conditions de vie dans la région. La Maternité Reine Astrid est ainsi érigée en 1937 afin de diminuer le taux de mortalité infantile, alors l'un des plus élevés de Belgique.
C'est à proximité de ce monde ouvrier délaissé que Louis Dogniaux voit le jour à Roux en 1867. Marqué par le sort de la classe ouvrière, il ne peut que constater le piètre état sanitaire du bassin de Charleroi, ainsi que le sort des ouvriers, souvent bien démunis en matière non seulement de soins en cas de maladie, mais également après avoir été victimes d’accidents du travail.
Louis Joseph Dogniaux est né à Roux le 10 août 1867 ; il est le fils de Maximilien Dogniaux, employé, et de Joséphine Jacquet1. Etudiant, il s’oriente vers le monde de la médecine. Il rejoint l’Université de Bruxelles, où il suit notamment les cours de Jules Thiriar, véritable pionnier de la chirurgie belge.
Le pavillon de 1ère classe et le solarium. Carte postale ancienne, Edition Belge |
Son cursus à Bruxelles achevé, il devient doctorant en médecine en 18922. Il visite alors les hôpitaux les plus modernes d’Allemagne, et suit les cours de Just Lucas-Championnière, chirurgien à l’hôpital Saint-Louis à Paris3 et l’un des pionniers de l'antisepsie en France.
Rapidement, le jeune docteur Dogniaux souhaite mettre en place une clinique moderne dans la région de Charleroi afin notamment de venir en aide aux classes laborieuses.
En 18924, il achète une maison bourgeoise située au bout de l’ancienne rue du Moulin (actuelle rue de l’Institut Dogniaux), sur les hauteurs de Jumet. Il transforme la bâtisse en un institut médical qui rencontre rapidement le succès. Convaincu que la lumière a des effets bénéfiques sur les patients, un vaste solarium est adjoint à la maison. Il est alors spécialisé dans les maladies des femmes et le traitement des fractures, hernies et difformités des os, comme le pied bot.
A la fin du XIXième siècle, Louis Dogniaux devient propriétaire du « Château de Heigne », ancien prieuré transformé en habitation par la famille Houtart au XIXième siècle, à moins d'un kilomètre de son Institut. Le docteur y installe son domicile privé et fait aménager le parc de deux hectares.
En 19005, il achète près de son Institut le Moulin Hembise datant de 1813 ainsi que les terrains avoisinants à la famille du même nom. Le moulin est transformé dans un premier temps en salle de consultation.
L'ancien Moulin Hembise, un temps bureau de consultation, puis morgue |
En 1902, le Docteur Dogniaux fait ériger de nouveaux grands bâtiments au bout de l’actuelle rue de l’Institut Dogniaux ; l’ « Institut chirurgical de Jumet » opérationnel, l’ancien moulin est transformé en morgue. En retrait de la clinique et en bord de route, il permettait d’y déposer temporairement les corps de manière discrète pour les patients.
L’Institut accueillait riches et pauvres : si les plus démunis ne devaient pas s’acquitter des frais d’hospitalisation, les plus nantis disposaient d’un pavillon séparé : l’ancienne habitation bourgeoise située dans le domaine, et qui fut le premier Institut Dogniaux, est transformée pour accueillir les patients les plus aisés. Le nouvel hôpital est on ne peut plus moderne pour l’époque. Il dispose de 42 chambres et plusieurs salles communes pouvant accueillir 130 malades. Les chambres sont chauffées grâce au chauffage central, ventilées, et éclairées à l’électricité. L’établissement dispose de laboratoires, notamment pour stériliser les pansements, les instruments,… Les sanitaires disposent de l’eau courante. Des sœurs diplômées de Notre-Dame de Bonne-Espérance assurent les soins. Un parc est aménagé autour des différentes installations pour le repos des patients.
L'Institut Dogniaux. Carte postale ancienne, Edition Hosdain |
L’hôpital, très réputé en Belgique mais également à l’étranger, attire de nombreux patients. Un hôtel destiné aux familles des hospitalisés est aménagé à proximité immédiate de la clinique. Sérieux, méthodique, le Docteur Dogniaux bénéficie d’une importante reconnaissance, et enchaîne les opérations, se comptant rapidement en milliers. De nombreuses publicités pour l’Institut paraissent dans les journaux belges, aussi bien en français qu’en néerlandais.
Grâce notamment à son épouse, Louise Biernaux, sœur du brasseur Biernaux, et de nombreux mécènes, Louis Dogniaux fonde l’Hôtel-Dieu de Jumet en 1909, au coin des rues Dr Pircard et du Masy. Les indigents y sont opérés gratuitement, les frais étant acquittés par leur commune d’origine. L'hôpital est, comme l'Insitut, ultra-moderne. Il est notamment déjà doté d'un vaste ascenceur permettant de déplacer les malades de leur chambre jusqu'à la salle d'opération6. Louis Dogniaux suit pour cet hôpital les exemples existants aux Etats-Unis. Le bâtiment de cet hôpital médico-chirurgical fut cédé à l’Etat en 1920 pour être transformé en un hôpital militaire. Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, il devient une caserne de Gendarmerie, et est remplacé par des bâtiments modernes dans les années 1970.
En 1914-1918, Louis Dogniaux accueille les blessés, aussi bien alliés qu’ennemis ; il soigne les hommes des deux camps, sans distinction, dans son Institut orné en façade d’un drapeau belge. Les militaires, égaux dans la souffrance, se côtoient au sein de l’Institut. Après leur départ, ils sont des dizaines à écrire au Docteur pour le remercier des soins prodigués et lui donner des nouvelles concernant leur rééducation.
L'Hôtel-Dieu. Carte postale ancienne, Edition Desaix |
Fin 1918, 45.000 patients7 ont déjà été opérés dans les deux établissements. Après le conflit, le Docteur Dogniaux poursuit son activité de chirurgien sans relâche.
Malade, le Docteur Louis Dogniaux s'éteint à Jumet-Heigne le 12 octobre 1937. Il repose au cimetière de Jumet-Chef-Lieu.
Au lendemain du décès du docteur Dogniaux, l'Oeuvre du Calvaire projette de s'y établir et poursuivre la vocation hospitalière des lieux ; la guerre ne tarde cependant pas à éclater. En 1945, les bâtiments servent à héberger "des filles contaminées".
L’ancien Institut chirurgical du Docteur Dogniaux devient la propriété de l’Etat et un home scolaire y est aménagé à la fin des années 1940. Les bâtiments accueillent aujourd’hui une Institution publique de protection de la jeunesse (IPPJ). L’ancien Moulin Hembise se dresse toujours dans le parc (dépourvu de ses ailes depuis déjà plus d'un siècle).
L’ancien Prieuré de Heigne, domicile du Docteur, devint par la suite la propriété des Charbonnages du Centre de Jumet, qui cèderont par la suite le château aux œuvres de juge Bracq. Le bâtiment héberge aujourd’hui la « Maison des Eclaireurs », asbl chargée de l’hébergement de jeunes en difficulté.
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