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Place Emile Buisset


Place Buisset et Hôtel de l'Europe. Carte postale ancienne, Editeur inconnu

Ancienne rue de la station, ensuite place de la station, l’artère devient place Emile Buisset le 7 avril 1925, deux mois après le décès d’Emile Buisset, ancien échevin des finances, bourgmestre de Charleroi de 1921 à 1925, et député de 1904 à 1925. Figure libérale marquante de Charleroi, Emile Buisset prit une part active dans la défense des intérêts de la Wallonie.

Longtemps, la rue de Charleville constituait la limite sud de la Ville-Basse. La canalisation de la Sambre au début du XIXième siècle laisse une zone non bâtie au sud de la rue de Charleville, qui s’urbanise rapidement.

Le canal de dérivation de la Sambre est inauguré en 1832. Quelques années plus tard, en 1843, la première gare de Charleroi accueille son premier train. Un pont situé face à la place est mis en service la même année, permettant la traversée du canal, reliant le centre-ville à la station.

Entrainé par la présence de la gare, et plus tard par le terminus des compagnies de tramways, le quartier se développe. Une passerelle piétonne est adjointe au pont en 1870 afin de faciliter le flux piéton.

Au début du XXième siècle, le quartier de la place Buisset est élégant ; la place sert de point d’entrée de la ville. Elle concentre les plus beaux établissements hôteliers, et les cafés les plus confortables de la ville.

Entrée de ville et place Buisset, vers 1925. Carte postale ancienne, Edition Lits

Fort réputé au début du XXième, notamment pour sa brasserie, l’Hôtel de l’Europe, situé au croisement des rues du Collège et du Commerce, à front de place, décline vers les années 1960. Cet hôtel fut longtemps l’endroit de rencontre des hommes d’affaires et de la classe aisée de la région. Racheté par la société de Bonfils Koeckelberg, un immeuble à appartements de 52 mètres de haut est érigé en 1965 sur l’emplacement de l’ancien hôtel : le « Centre Europe ».

Depuis 1996, la statue le « Mineur accroupi » domine le côté sud de la place. Originellement installé au centre du pont, face au « Forgeron au repos », les statues de Constantin Meunier ont été placées aux extrémités du pont lors de la construction du nouveau pont Roi Baudouin.

En 1998, la place Buisset rénovée et à vocation piétonne est inaugurée. Arborée et fleurie, des fontaines y sont également placées. Ces installations disparaissent cependant vers 2015.

L’aspect général de la place Buisset change peu en un siècle, si ce n’est la construction du « Centre Europe ». Les extérieurs des bâtiments ne subissent que peu de transformations, hormis les enseignes qui se succèdent et les vitrines qui se modernisent.

En 2003, le cinéma de quatre salles le « Paradiso » ferme ses portes. Le Paradiso était le successeur de plusieurs établissements cinématographiques. En 1911, l’allemand Steinmann ouvre à cet emplacement un cinéma-brasserie-concert dénommé « Le Hansa-Hall ». Après la guerre, l’établissement devient l’ « Olympia », puis une salle de vente. Après des transformations en 1950, il devient le cinéma « Le Paris », spécialisé dans les films français, et en 1994, le « Paradiso », projetant des films d’auteurs et des films en version originale.

Le côté est de la place Buisset en 2017

Le bâtiment du Paradiso survit pendant dix ans après la fermeture du cinéma, et fini en 2013 par être démoli, comme pratiquement tous les immeubles de ce bloc, pour le centre commercial Rive Gauche et la construction de nouveaux immeubles à appartements. Seul le bâtiment marquant le coin avec le quai Arthur Rimbaud subsiste sur le côté est de la place. Il connut d’ailleurs de nombreuses péripéties, lui valant peut-être sa survie… « Grand Hôtel », il fut endommagé le 14 mai 1940 lorsque les français firent sauter le pont sur la Sambre. Le pont partiellement reconstruit, il est à nouveau démoli par les allemands en fuite en 1944 ; l’immeuble est à nouveau touché. Le 26 mai 1948, un incendie surprend la vingtaine d’occupants du bâtiment, faisant des victimes. Un an plus tard, un nouvel incendie détruit l’immeuble, qui doit être pratiquement reconstruit. En 2016, le bâtiment est à nouveau presque entièrement reconstruit dans le cadre des travaux de Rive Gauche. Il accueille aujourd’hui la Table de la Manufacture Urbaine.

Le côté ouest de la place est amené à connaître également de grandes modifications. L’îlot situé entre la place Buisset, le quai Verlaine, la rue Monnet et la rue Regniers devrait être presque entièrement démoli pour faire place à un projet mixte, comprenant notamment des logements, des commerces, un hôtel Holliday Inn Express, et un « Airport House » à la place de l’hôtel Ibis.

A la Maison Verte / Au Cabaret-Vert

« La Maison Verte » était une auberge établie au numéro 6 de la place, dans la seconde moitié du XIXième siècle. L’intérieur devait, selon certains dires, être peint en vert, de même que l’ensemble du mobilier. L’établissement était modeste, à la façade étroite et d’allure banale. Bien que l’enseigne n’existe plus depuis bien longtemps déjà, le bâtiment qui accueillait l’auberge ne disparut qu’en 2013 lors des travaux de Rive Gauche. Seul aujourd’hui un poème ravive épisodiquement les souvenirs de cette maison, signé Rimbaud.

Jean-Arthur Rimbaud avait côtoyé au Collège de Charleville le fils de Louis Xavier Bufquin des Essarts, propriétaire du Journal de Charleroi. Cherchant à s’y faire embaucher pour fuir une mère étouffante, Rimbaud arrive à pied à Charleroi un jour d’octobre 1870.

L'établissement "A la Maison Verte", modeste immeuble étroit, vers 1900. Carte postale ancienne, Edition Hallet-Henry

Demandant à rencontrer le propriétaire du Journal, Rimbaud est brièvement reçu par des Essarts dans les bureaux du Journal, rue du Collège. L’entrevue ne débouche cependant sur rien de positif.
Rimbaud erre dans la ville jusqu’au lendemain, dans l’attente de se représenter : « J'ai soupé en humant l'odeur des soupiraux d'où s'exhalaient les fumets des viandes et des volailles rôties des bonnes cuisines bourgeoises de Charleroi, puis en allant grignoter au clair de lune une tablette de chocolat fumacien ».

Rimbaud retente sa chance dès le lendemain ; Louis Xavier Bufquin des Essarts, sans doute pour soulager quelque peu un compatriote français sans ressource et pour honorer l’amitié passée entre Arthur et son fils Jules, convie Rimbaud à la table familiale. Certaines sources mentionnent que Rimbaud effectue un essai d’une journée au Journal, avant d’être convié à la table de la famille des Essarts.

Quelque peu emporté par la boisson et la fatigue des jours précédents, Rimbaud manque de tenue lors du repas auquel il est convié, et ne tarde pas invectiver certains hommes politiques et à tenir des propos révolutionnaires. Le propriétaire du Journal, offusqué par ces paroles inconvenantes et grossières, met un terme à la rencontre et invite Rimbaud à chercher du travail ailleurs. Ce passage par Charleroi se soldant sur un échec, et sans ressources, Rimbaud quitte la région peu de temps après.

Durant ce bref séjour dans la ville, Rimbaud rédige 3 sonnets, dont l’un intitulé « Au Cabaret-Vert », daté d’octobre 1870 :

Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir
Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
Du beurre et du jambon qui fût à moitié froid.

Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,

- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.



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