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Les tramways à Charleroi


Au XIXième siècle, la Belgique connaît une croissance industrielle unique. Rapidement, le pays se positionne comme l'un des plus industrialisés au monde. Elément clé de ce développement : le chemin de fer. Il fait son apparition en Belgique cinq ans seulement après l'indépendance du pays. Le 5 mai 1835, une première ligne relie Bruxelles à Malines ; un carolorégien participe activement à l'aventure : Basile Parent deviendra un magnat des chemins de fer. Huit ans plus tard, en 1843, Charleroi est relié au réseau ; les trains marquent une halte à la Ville-Basse.

Cependant, le chemin de fer reste onéreux. Même si le réseau belge est dense, il n'est pas possible de créer des lignes entre chaque ville et chaque village. Pour néanmoins faciliter la circulation des biens et des personnes, l'Etat Belge décide de créer un réseau parallèle au réseau ferré existant, permettant de relier les villages et les faubourgs aux centres urbains à partir desquels le chemin de fer reprendrait le relais.

Arrivée de la Société des Chemins de fer Vicinaux Belges

En 1866, la concession d'une première ligne de tramaway est confiée à Ernest-Frédéric Nyst. Ce dernier fait circuler le premier tram de Belgique, reliant le Bois de la Cambre à Bruxelle à l'Eglise Sainte-Marie à Schaerbeek.

En 1866, Charleroi compte moins de 12.000 habitants ; la ville est toujours enclavée dans ses fortifications. L'année suivante cependant, le démantèlement de la forteresse est décidé; il se terminera en 1871. Charleroi souhaitait alors se positionner comme ville bourgeoise, centre de l'agglomération et capitale du Pays Noir. Des projets de transformation et de modernisation de la ville sont déposés : des parcs sont à créer, de grands boulevards arborés à tracer, des monuments à placer, un certain nombre de nouvelles infrastructures sont envisagées. Les autorités communales commencent également à se pencher sur la création d'un réseau de tramways.

En 1877, une société de transport introduit une demande d'exploitation de tramway auprès du conseil communal ; il sera classé sans suite. Un second projet, en 1879, connait la même destinée.

Actuelle Avenue Pastur vers Mont-sur-Marchienne. Carte postale ancienne, détail. Editeur inconnu

En 1881, une ligne de chemin de fer américain est établie entre la gare de Charleroi-Sud et la rue de l’Ecluse, sur un parcours d'un plus d’un kilomètre, via la rue du Collège, la place Albert Ier et la rue de Marcinelle. Cette ligne, à traction chevaline, est cependant rapidement abandonnée.

La même année, la Société des Chemins de fer Vicinaux Belges transfère son siège social de Bruxelles à Charleroi. Cette société privée obtient à Charleroi la concession de deux lignes de tramways :

  • La première ligne relie Charleroi à Gilly et est exploitée, entre la rue de l’Ecluse et la Porte de Waterloo (via la rue du Collège, la place de la Ville-Basse, les rues de Marcinelle, du Pont-Neuf, d’Orléans, la place de la Ville-Haute, et la rue Neuve) par des locomotives à vapeur, et entre la Porte de Waterloo et Gilly, par traction chevaline, via la Grand’rue. Le premier tram à effectuer ce trajet circule en septembre 18811 ;
  • La seconde ligne, entièrement à vapeur, est mise en service en 1882 entre Charleroi et Montignies-sur-Sambre.

La création de ces deux lignes, dès 1881, marque le début du tramway "urbain" de Charleroi.

Si la population carolorégienne avait fait preuve d’une grande curiosité et d’une grande effervescence face à la pose des voies et à l’inauguration des lignes, la population de la Ville Haute dépose une plainte en juillet 1882 relative aux divers dangers que posent les tramways, ainsi qu'aux nuages de fumées et de poussières qu'émettent les motrices, créant un grave préjudice, notamment pour les commerçants.

Si le prix d'un trajet n'est pas démocratique et est plutôt réservé à une classe aisée, les carolorégiens ont adopté le tramway. Les deux lignes sont finalement réunies utilisant un tronçon commun jusqu’à la gare de Charleroi-Sud.

Arrivée de la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux

Tram à Lodelinsart Bon-Air. Carte postale ancienne, détail. Editeur inconnu

L'Etat avait souhaité créer un réseau parallèle au chemin de fer dans les zones moins densément peuplées. Dans les centres urbains, des sociétés privées avaient rapidement développés quelques lignes, rentables. Mais les zones moins peuplées restaient à l'écart, isolées. En promulguant la Loi sur les Tramways de 1875, le gouvernement avait tenté de faciliter la création de lignes reliant les villages aux villes afin d'y acheminer les denrées agricoles, les lignes pouvant également servir en parallèle au transport de passagers. Le succès souhaité ne fut cependant pas rencontré. Seules les zones densément peuplées avaient trouvé des sociétés pour y exploiter des concessions.

Un nouveau texte de loi est rédigé ; la Loi relative à la constitution et l'exploitation de chemins de fer vicinaux est publiée au Moniteur Belge le 29 mai 1884. Les actes de la société sont publiés le 12 juin de la même année, créant officiellement la Société Nationale des Chemins de fer Vicinaux (SNCV). Le financement nécessaire à la création des nouvelles lignes provient des apports des entreprises, des communes, des provinces et de l'Etat.

La SNCV s’implante à Charleroi en 1885. Le 3 juin 1887, elle met en service ses trois premières lignes de la région, à traction vapeur, reliant :

  • Charleroi et Mont-sur-Marchienne
  • Charleroi et Montignies-le-Tilleul, via Marchienne
  • Charleroi et Lodelinsart, via Jumet.

Particularité des voies posées par la SNCV : ce sont des voies métriques qui sont utilisées ; l'écartement entre les rails est moindre qu'entre les voies ferroviaires classiques.

A noter à la même période, la fondation de la Société Anonyme Electricité et Hydraulique, le 29 juillet 1886 par Julien Dulait. Cette société de Marcinelle, qui donnera plus tard naissance aux Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi, se consacre notamment aux constructions ferroviaires.

Entre 1891 et 1895, la SNCV ouvre deux autres lignes, entre Lodelinsart et Châtelet, et Montigny-le-Tilleul et Thuillies.
Le succès est présent, et toutes les lignes de la SNCV, hormis le tronçon entre Montigny-le-Tilleul et Thuillies, sont électrifiées au début du XXième siècle. A partir de ce moment, le nombre de ligne ne cesse de croître.

Bois du Cazier - Ancienne motrice des TEPCE (Tramways Electriques du Pays de Charleroi et Extensions)

La Société des Chemins de fer Vicinaux Belges cède en 1903 la concession de ses lignes à la RELSE (Railways Economiques de Liège-Seraing et Extensions). Les deux lignes exploitées depuis 1881-82 sont électrifiées, et la voie classique remplacée par une voie métrique.

En 1904, la RELSE confie ses lignes à une filiale, les TEPCE (Tramways Electriques du Pays de Charleroi et Extensions, mieux connue dans le vocable des carolorégiens sous l'appellation de "Trams verts"; les tramways de la SNCV seront surnommés en opposition "Trams jaunes"). La SNCV lui confie également l’exploitation de son réseau carolorégien, en croissance permanente, par voie d’affermage.

En 1911, Charleroi accueille l’Exposition Internationale de Charleroi. Le site de la manifestation se situe sur le tracé de la ligne reliant Charleroi à Gilly ; durant toute la période d'ouverture, la ligne n'est pas interrompue, mais les tramways ne marquent cependant pas les arrêts. Une ligne temporaire est créée, destinée à desservir l’Exposition, entre Charleroi-Sud et le nord de la ville, où se tient l'Exposition.

A la veille de la Première Guerre Mondiale, la région est plus que bien desservie par les réseaux de tramways. Le conflit ne fait qu'accroître le nombre de passagers transportés, le "grand" chemin de fer étant réquisitionné par les troupes allemandes.

A la sortie de la guerre, le réseau a souffert, mais il est rapidement reconstruit ; les extensions et création de nouvelles lignes continuent de se succéder.

Métro Léger de Charleroi - Station Palais, conservant un ancien Tram Vert

En 1923, la SNCV reprend possession de son matériel roulant et exploite elle-même ses lignes, confiées à la société TEPCE. En 1929, une collaboration entre les deux sociétés a de nouveau lieu concernant la liaison Charleroi-Sud - Châtelineau-Gare.

Jusque des les années 40, le réseau carolorégien est en permanente extension. Montignies-sur-Sambre, Goutroux, Monceau-sur-Sambre, Loverval, Roux, Courcelles, Trazegnies, Ransart, Jumet, Thuin,... chaque commune est interconnectée à un réseau de plus en plus important. La SNCV et les TEPCE continuent activement le développement de leurs lignes respectives. Le réseau des "trams verts" connaît son apogée un peu avant la Seconde Guerre Mondiale, avec l'exploitation de 67 km de lignes.

En 1929, l’ouverture de la section reliant Marchienne-au-pont à Fontaîne-l’Evêque permet aux réseaux SNCV de Charleroi et du Centre de se rencontrer. Une liaison directe Charleroi-Anderlues-Binche-Mons est créée en 1931.

En 1932, le premier autobus circule entre Charleroi et Dampremy. Le succès n'est pas rencontré, et la ligne est finalement abandonnée.

La Seconde Guerre Mondiale provoque d'importants dégâts sur les deux réseaux. Les véhicules, les infrastructures, voies et ponts, sont bombardés. Les réseaux sont réquisitionnés pour le transport de prisonniers.
Au lendemain de la guerre, on s'attelle à la reconstruction des réseaux, et parfois au remplacement complet des infrastructures. Mais les ouvertures de lignes et de sections continuent de se succéder.

En 1951, les "trams verts" modernisent réseau et véhicules. L'automobile commence à prendre de plus en plus de place, les coûts d'exploitation augmentent, le nombre de passagers est en baisse constante...

1958, le bus détrône le tramway ; la STIC et la SNCV se lancent dans le mouvement

En 1958, la ligne reliant Charleroi-Sud à Montignies-Neuville est remplacée par un service d’autobus.

En 1962, la STIC (Société des Transports Intercommunaux de Charleroi) remplace les TEPCE, dont la concession était arrivée à terme.

Métro Léger de Charleroi - Station Pétria

L'autobus rencontre cette fois le succès escompté. L'autobus est moderne, se faufile dans la circulation ; le tram est tout l'opposé : les véhicules sont anciens et restent bloqués dans la circulation. Les coûts d'exploitation du bus sont largement inférieurs à ceux du tramway. Année après année, la STIC et la SNCV convertissent leurs lignes en services de bus. La croissance du parc automobile ralentit cependant la vitesse commerciale des autobus. Des projets de création de métros et métros légers dans les grandes villes de Belgique sont lancés. A Charleroi, la réalisation d’un réseau de Métro Léger est étudiée. Certaines lignes de tramways seraient conservées et isolées du trafic, permettant une circulation rapide des véhicules.

Le déclin du tramway continue cependant. Le dernier "tram vert" de la STIC rentre au dépôt Genson le 1 juillet 1974.

Le 21 juin 1976, la première section du métro léger de Charleroi est inaugurée. Les quelques lignes de tram toujours existantes rejoignent la gare de Charleroi-Sud en utilisant cette nouvelle infrastructure, sur quelques centaines de mètres à peine. Les années suivantes, le métro se creuse, les finances manquent, les lignes de tramway continuent à être "bussifiées" une par une.

En 1988, seules deux lignes de tram sont encore exploitées à Charleroi, circulant en partie sur les infrastructures existantes, et mises en service, du métro léger :

  • Charleroi - Anderlues;
  • Charleroi - Anderlues - Binche - La Louvière.

Cette même année, la responsabilité du secteur du transport en commun est attribuée aux Régions, par la loi du 8 août 1988. Deux années plus tard, au 1er janvier 1990, les sociétés de transport en commun tombent sous la tutelle des Régions. La partie wallonne de la SNCV est fusionnée avec les sociétés de transport en commun situées en Wallonie, dont la STIC.

En 1991, la Société Régionale Wallonne du Transport (SRWT) est créée, ainsi que 5 Sociétés autonomes d'exploitation des transports en commun. Deux de ces sociétés seulement, le TEC-Charleroi et le TEC-Hainaut, continuent l'exploitation des tramways. Toutes les autres communes et villes de Wallonie sont totalement passées au "tout au bus".

Métro Léger de Charleroi - Arrêt Sacré-Madame

Le 22 août 1992, de nouvelles infrastructures du métro léger de Charleroi sont mises en service. Dorénavant, les lignes 89 et 90 sont en site propre intégral jusqu'à Anderlues. Une semaine plus tard, le 28 août 1992, la nouvelle antenne de métro vers Gilly est exploitée. Une nouvelle ligne est créée, la ligne 54.

Rapidement, le TEC-Hainaut, n'exploitant comme unique ligne de tramway que la ligne 90 entre Anderlues et La Louvière, décide l'arrêt de l'exploitation de cette ligne. Le 29 août 1993, le tramway 90 relie pour la dernière fois Charleroi à La Louvière.

La région de Charleroi reste la seule de Wallonie a avoir conservé la circulation de tramways sur son territoire, sans interruption depuis 1881.

Même si les heures de gloire du tramway à Charleroi sont définitivement révolues, le métro léger fait revivre le tramway ; de nouvelles extensions sont mises en service, et le 22 juin 2013, une ligne en chaussée est remise en service. Les communes de Dampremy, Lodelinsart, Jumet et Gosselies sont à nouveau parcourues par un tramway en chaussée. 

La région de Charleroi fut par le passé desservie par un important réseau de tramways vicinaux ainsi que par un réseau plus modeste, celui des "Trams Verts" (TEPCE, puis STIC). Le Centre de Découverte du Vicinal à Thuin, à quelques kilomètres au sud-ouest de Charleroi, fait aujourd'hui circuler des tramways anciens sur une partie de l'ancienne ligne vicinale 92, entre Thuin et Lobbes ; il possède une trentaine de véhicules, la plupart en ordre de marche.


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LIENS

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ORIENTATION BIBLIOGRAPHIQUE

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REFERENCES & NOTES

  1. DE MEURS, Jean. Les Tramways de Charleroi : des Tramways Electriques du Pays de Charleroi et Extensions à la Société des Transports Intercommunaux de Charleroi, in Tram Magazine, 1984, n° 34/35, p. 4
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