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Le Château Bilquin de Cartier


En bord de Sambre, au cœur de Marchienne-au-Pont, se dresse depuis le XVIIième siècle le château de Cartier, ou Bilquin de Cartier. Le domaine s’articulait par le passé autour de deux cours et était fortifié au nord par une muraille dominant la Sambre. Il ne subsiste plus aujourd’hui de l’ancienne demeure que la cour d'honneur, son porche, deux ailes du logis, et quelques éléments défensifs du mur nord.

Château de Cartier en 1740 (illustration issue de Histoire de Marchienne-au-Pont, par Pierre Antoine Masset, 1893)

Le château fut érigé au début du XVIIième siècle par la famille Honoré sur un terrain qu’elle reçut en 1593 du Prince-Evêque de Liège. Ce terrain était précédemment déjà occupé par une ancienne demeure seigneuriale. Le domaine va successivement appartenir à de grandes familles de l’ancienne Principauté de Liège : s'y succéderont les familles Briffoz, Crissegnée et de Wal.

En 1695, le maître de forges Guillaume Bilquin achète le château ; il va s’efforcer à embellir la propriété. Ses armoiries (trois clous forgés) sont toujours visibles un peu partout dans le château et ornent notamment le porche d'entrée, datant de 1699. Le château possède sa propre chapelle ; à l’extérieur de celle-ci, une vasque de pierre est ornée des blasons des Cartier-Panée, sous les armoiries de Nicolas de Ghérin et de Marguerite Panée.

Marie-Agnès Bilquin, fille de Guillaume, épouse en 1717 Jean-Louis de Cartier, fils du trésorier général du Prince-Evêque de Liège. Le domaine passe ainsi en 1725 aux mains des de Cartier, pour y rester durant deux siècles.

En 1740, Remacle le Loup, illustre dessinateur et graveur, séjourne au château ; ses gravures permettent aujourd'hui de se rendre compte de l'ampleur de la propriété d'alors. Le château a survécu à la Révolution française. Les troupes révolutionnaires sont pourtant bien présentes dans la région : en 1794, des otages sont incarcérés dans l’église de Marchienne, à quelques dizaines de mètres seulement du château, dans l’attente du paiement de plusieurs dizaines de milliers de livres. N’arrivant à rassembler que la moitié de la somme, les otages prennent la direction de la France. Atteints de dysenterie, évoluant sous la chaleur, certains prisonniers ne survivront pas.

Détail du mur de la chapelle

Au lendemain de la Révolution française, les de Cartier ne sont plus Seigneurs de Marchienne. Au XIXième siècle, ils vont être investis de fonctions municipales, et devenir de grands industriels. Ils vont gérer la commune durant tout le siècle, ainsi qu’au début du XXième.

En 1833, Joseph de Cartier fait transformer un immense terrain situé à côté du château en un beau parc ; il y fait également ériger au centre un nouveau château : le « Château Blanc », achevé en 1836. Les de Cartier privilégient alors la vie au Château Blanc, l’ancien château n’étant plus à la mode des temps modernes.

Les Moulins à vapeur et brasserie de Marchienne voient le jour à la même époque, dans lesquels les de Cartier ont des intérêts. Joseph de Cartier assiste au début de l'industrialisation, et est persuadé que la machine à vapeur a un bel avenir devant elle. Des bâtiments industriels sont alors érigés sur l'emplacement de l'ancienne ferme du château de Cartier. Cet ensemble va se développer considérablement à quelques dizaines de mètres seulement du château de Cartier, se développant jusqu'à jouxter le portail d'entrée du château.

En 1884, un pigeonnier en brique et pierre est élevé à la hauteur de la chapelle. La même année, un quai est aménagé le long de la Sambre et un élévateur à grains est construit au bord de la rivière. Les céréales y sont aspirées des bateaux et conduites sur une centaine de mètres via une toile traîneuse vers les silos proches du château, empruntant un tunnel sous la propriété des de Cartier.

Les environs du Château (en haut à gauche) en 1921, entouré par les moulins à vapeur et brasserie

En 1890, un bâtiment de cinq étages est érigé derrière les usines, permettant de stocker 10.000 sacs de farine. L’ancien château est littéralement écrasé sous la masse des bâtiments industriels. Quatre ans plus tard, le moulin est relié par chemin de fer à la gare de Marchienne-Zône, la ligne ferroviaire traversant le parc.

Dès 1893, la commune de Marchienne commence à s'intéresser au rachat du Château Blanc afin d'y installer la nouvelle maison communale. La commune fait l’acquisition du bien à la fin du siècle ainsi que du parc de 3 hectares. La façade transformée, le nouvel hôtel de ville est inauguré en août 1901 ; il fait face à l'actuelle rue de Cartier. Les services communaux y resteront jusqu'en 1973, lors de l'inauguration de la nouvelle maison communale, située juste à côté. L'année suivante (1974), l'ancien Château Blanc est démoli.

La famille de Cartier, restée pendant deux siècles à Marchienne, a profondément marqué la région. Le Baron Emile de Cartier de Marchienne, diplomate et ambassadeur dans plusieurs pays, fit reconstruire à Pékin l’ambassade de Belgique suivant le style de l’ancien château familial. Cette « copie » inspirée du château de Marchienne existe toujours aujourd’hui à Pékin ("Zijin Guest House").

En 1932, un incendie se déclare dans les combles ; le feu est maîtrisé, mais les dégâts sont importants. Quelques années plus tard, abandonné par les de Cartier ruinés, le château est racheté par la commune de Marchienne-au-Pont en 1938. Devenu propriété communale, le château est partiellement rénové et réhabilité pour y installer des services communaux.

Le château après l'incendie de 1932 (illustration du périodique De Stad)

En 1944, les bombes alliées mettent le feu aux bâtiments industriels. La société ne se relèvera jamais, marquant la fin des Moulins et Brasserie de Marchienne-au-Pont.

Marguerite de Crayencour, plus connue sous le nom de Marguerite Yourcenar, est née à Bruxelles en 1903. L’illustre auteur est la fille de Michel Cleenewerck de Crayencour et de sa seconde épouse, Fernande de Cartier de Marchienne. Marguerite Yourcenar se rend à trois reprises dans domaine familial de Marchienne-au-Pont : la première fois, enfant, vers 1910 ; la deuxième fois en 1929, et enfin, en 1956. On retrouve les traces de cette demeure familiale dans les écrits de Marguerite Yourcenar, notamment dans Souvenirs Pieux. Enfant, elle garde les souvenirs d’un parc avec ses rosiers, et des paons qui s’y promenaient. Adulte, l’environnement proche du château lui induit une pensée sur le thème « de l'air sali, de l'eau souillée et de la terre corrodée par ce que nos ancêtres crurent honnêtement être le progrès, excuse que nous n'avons plus ». Lors de sa dernière visite en 1956, Marguerite fait part de son regret de voir la demeure familiale dans un triste état ; le château ne présentait alors plus aucun intérêt particulier, si ce n'est d'abriter des services communaux et une bibliothèque publique. Elle constate que « les pièces du rez-de-chaussée avaient cet aspect chichement entretenu habituel aux lieux dont prend soin une municipalité , mais les fichiers et les rayons chargés de livres étiquetés les déparaient peut-être un peu moins que naguère le beau mobilier Second Empire ». Le parc est devenu public, mais a perdu de sa beauté : il « était bien tenu, avec une nuance de froideur administrative ». L’écrivaine souligne néanmoins que « le château jouissait d'un des plus beaux sorts qui puisse échoir à une demeure désaffectée : il servait depuis peu de bibliothèque communale ».

Cheminée du Château de Cartier

Il faut attendre 1980 pour que le château soit classé, et les années 90 pour qu’il soit entièrement rénové et réhabilité. Le château est alors dans un piteux état, rongé par la mérule.

En pierre et briques peintes, les bâtiments de style Renaissance flamande dessinent aujourd’hui un L. Le château a retrouvé en partie son caractère d’origine et abrite notamment la bibliothèque communale Marguerite Yourcenar. Il conserve toujours à l’intérieur de magnifiques boiseries et cheminées d’époque. L’édifice actuel est cependant modeste comparé à ce qu’il fut par le passé : l’ancienne basse-cour a disparu, laissant place à la piscine communale, en total désaccord architectural avec le site. Il ne reste que la cour principale, amputée des écuries du château, démolies pour la construction du métro léger et de la station de Cartier. Un mur de façade fut partiellement relevé avec des matériaux de remploi. Si le château a perdu de son charme, sa rénovation et sa réhabilitation en font à nouveau un bâtiment d'exception.


POUR Y ACCEDER

Château Bilquin de Cartier
Place du Perron
6030 Charleroi (Marchienne-au-Pont)

Métro De Cartier

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Toutes les illustrations, sauf mention contraire, sont issues de la collection de l'auteur.


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