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Marguerite, Marie et Jeanne, sorcières de Monceau


Les procès pour sorcellerie sont nombreux en Europe à la fin du XVIième et au début du XVIIième siècle. Dans nos régions, des bûchers allaient être dressés à Mont-sur-Marchienne, Marcinelle, Châtelet, Montigny-le-Tilleul,… Monceau-sur-Sambre allait également connaître à cette époque une période frénétique de chasse aux sorcières. Plusieurs procès s’y sont déroulés, mais il n’en existe que peu de traces, les différents conflits ayant fait disparaître une grande partie des archives.

La première trace de procès de sorcellerie dans les archives de Monceau remonte à 1592. De cette date jusqu’en 1671, on dénombre plusieurs procès, qui débouchèrent sur six exécutions par le bûcher, un exil, un décès lors d'une évasion, un décès supplémentaire survenu sur le bûcher ou en prison, ainsi que sur l'arrestation de quatorze accusés dont la fin n'est pas connue... Tout cela dans un village habité alors par environ 400 habitants.

L’un des derniers procès concerne Marguerite Girardeau, Marie Rolland et Jeanne Dufour.

Le Château de Monceau (Sorcière : [La Fée patriote ] : [estampe] ([Fumé]) / G. Doré ; Trichon. BnF/Gallica)

Le 23 mai 1658, le bailli de Monceau-sur-Sambre ouvre une enquête à la demande du prince de Gavre à charge de Marguerite Girardeau et de sa fille Madeleine Gillet. Elles sont toutes deux accusées de sorcellerie ; tout Monceau les redoute. Marguerite et Madeleine en viennent parfois aux mains et ont l’habitude de se traiter mutuellement de sorcières. A plusieurs reprises, elles jetèrent des sorts aux habitants du village. Cinq moncellois vinrent témoigner devant la Cour de Justice contre les deux présumées sorcières.

Un jour, elles se rendirent chez Nicolas, un fermier de la région, pour y chercher du lait battu. Comme il n’en avait pas, il leur donna du simple lait. Durant huit jours, il ne put plus rien faire de son lait, sortant caillé des pis des vaches. Persuadé que Marguerite lui avait jeté un sort, il menaça de la battre si elle ne mit pas un terme au maléfice. Dès cet instant, les vaches recommencèrent à produire un lait de qualité.

Marguerite est également accusée d’avoir jeté un sort aux écuries du château de Monceau afin de faire mourir les chevaux du seigneur. Des témoins renseignent que sept chevaux de luxe y sont morts en trois mois à peine. Cherchant la cause du décès, ils avaient été autopsiés, et on leur avait trouvé le foie et les poumons pourris…

Madeleine Gillet meurt en janvier 1659. L’accusation se concentre alors se Marguerite : elle dispose de 30 jours pour démentir l’accusation de sorcellerie.

A la place de tenter de se défendre, Marguerite préfère s’accuser et renseigne ses méfaits. Elle affirme pratiquer la sorcellerie et endosse la responsabilité de plusieurs sorts. Le bailli la fait arrêter, et elle est remise aux mains de la Justice. Elle est conduite au château de Monceau, dans l’une des tours, pour y être incarcérée dans un cachot.

Marguerite Girardeau avoue avoir jeté un sort de la grosseur d’une noix dans l’écurie du seigneur six mois auparavant. Elle reconnait avoir assisté au sabbat avec le diable, au lieu-dit « Noir-Dieu » (dans les environs du croisement des actuelles rues du Port et des Prairies à Marchienne). Durant le sabbat, elle eut des relations avec le diable, qui avait l’aspect d’un gros homme noir. Ce démon avait des pieds fendus et parlait d’une manière intelligible. De nombreuses personnes prenaient part à ce rassemblement, où tous mangeaient et buvaient. Après le sabbat, le diable lui donnait une baguette qui lui permettait de rentrer chez elle, en se transportant dans les airs.

Elle reconnait également avoir délibérément refusé de jeter certains sorts, notamment aux bêtes de Lambert Mol.

Le 8 mars 1659, Marguerite est mise à la torture ; il a été fait appel au bourreau de Mons pour faire parler la sorcière. Le bourreau trouve la marque du diable du côté droit de la tête de Marguerite ; il la pique avec une longue épingle, mais cette dernière n’a aucune réaction, et aucune goutte de sang ne coule…

Elle persiste dans ses déclarations, et ajoute de nouveaux éléments. Cela fait environ trente ans qu’elle pratique la sorcellerie ; elle a commencé quatre ans après son mariage. Elle a d’ailleurs jeté un sort à son époux Englebert une dizaine d’année auparavant afin de s’en débarrasser. Elle procéda de la même manière pour son autre fille, Jacqueline, en mélangeant dans sa soupe une poudre fournie par le diable. Le même procédé fut utilisé pour Herman Coppée, décédé depuis cinq ans, et pour Lambert Molle, qui n’en est pas mort, mais qui fut longtemps gravement malade.

Elle jeta également un sort à la fille des Lambert, ces derniers ayant refusé de lui vendre du pain et du lard ; l’enfant mit longtemps à guérir. Dix ans plus tôt, elle jeta de la poudre dans la prairie du maïeur, Noël Baudenies. Plusieurs vaches et porcs furent retrouvés morts. Elle rendit également malade trois autres habitants.

Elle ajoute, en les nommant, que durant le sabbat au Noir-Dieu elle rencontrait plusieurs personnes de la localité et des environs, notamment Marie Rolland. Depuis qu’elle est incarcérée dans un cachot, elle avoue revoir régulièrement le diable et entretenir des rapports avec lui.

Le jugement ne tarde pas à être rendu ; considérée comme sorcière, Marguerite Girardeau est conduite le 22 avril au Noir-Dieu pour y être exécutée sur le bûcher.

L’affaire close, la Cour se penche désormais sur le cas de Marie Rolland, l’une des femmes dénoncées par Marguerite Girardeau.

Marie Rolland est mise à la torture sur décision de la Cour de Liège. Elle avoue ne pas avoir une vie facile, et être l’objet depuis toujours de vexations de la part de sa sœur et de sa mère. Pour subvenir à ses besoins, elle se rend en forêt afin d’y ramasser du bois pour le revendre en fagots. En rentrant chez elle un soir, elle rencontra un homme bien habillé qui lui promit qu’elle ne manquerait plus de rien si elle l’épousait. Mais elle refusa. L’étranger continua à se montrer à plusieurs reprises et à différents endroits ; elle le vit même à Marchienne où elle se rendait pour y moudre du grain.

Finalement, un jour, elle accepta de le suivre. Ils se rendirent au Noir-Dieu, où elle rencontra plusieurs autres femmes de la région, notamment Marguerite Girardeau. Tous dansèrent au son des violons. Sur le chemin du retour, Marie et le diable se connurent charnellement. Ils se revirent plusieurs fois, allèrent danser, et eurent à chaque fois des relations. Pour la raccompagner, il l’emportait par les airs. Jamais cependant elle n’avait jeté de sorts.

Suppliciée, soumise à un long interrogatoire, Marie Rolland est finalement condamnée pour la Haute Cour de Liège le 10 mai 1659 à être attachée et étranglée, et son corps réduit en cendres pour l’exemple.

Avant de monter sur le bûcher, Marie rétracta les accusations portées contre plusieurs autres femmes soupçonnées de sorcellerie ; elle refusa cependant de répondre aux questions concernant sa mère, Jeanne Dufour. De nombreuses personnes vinrent assister à l’exécution de Marie Rolland, obligeant le frère mineur récollet qui assistait à ses derniers instants à répéter d’une haute voix les propos de l’accusée.

Jeanne Dufour est arrêtée à son tour, et mise « à la torture légère et modérée ». Devant les autorités, elle livre le nom de sept femmes et un homme. C’est un bourreau venu de Namur qui exécuta la présumée sorcière.

Le dernier procès à Monceau pour sorcellerie, alors situé en territoire liégeois, eut sans doute lieu en 1671. L’année suivante, en France, Louis XIV interdit aux tribunaux d'admettre les simples accusations de sorcellerie. En 1682, Louis XIV décrète dans son royaume l'abolition des procès de sorcellerie. Pourtant, de tels procès se poursuivront encore longtemps ; la dernière affaire connue en Europe se situe en Pologne, et date de 1776…



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