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La Maternité Reine Astrid


La Maternité Reine Astrid. Carte postale ancienne, Edition Mosa, colorisée manuellement

Charleroi détient dans le premier tiers du XXième siècle un sinistre record, à savoir celui du taux de mortalité infantile le plus élevé de Belgique : près d'un enfant sur dix y meurt prématurément. Dès 1935, l'idée de création d’une intercommunale qui mettrait en commun des ressources afin de créer et exploiter différents établissements à caractère social fait son chemin. L'Intercommunale des Œuvres Sociales pour la région de Charleroi (IOS) est créée par une trentaine de communes de la région et présidée par René Decooman. La première réalisation de l’IOS sera la construction de la Maternité Reine Astrid, inaugurée en 1937, et rapidement considérée comme l’un des établissements hospitaliers les plus performants de l’époque.

Bien que des maternités sont déjà actives dans la région (notamment à la rue de la Digue (laïque) et à la rue de la Science (Clinique maternelle des Soeurs de la Charité de Namur), la grande majorité des femmes continuent à accoucher à domicile. A cette époque, la Belgique enregistre annuellement 4.500 enfants morts-nés ; seules quelques milliers de mères, sur les 132.000 femmes enceintes, se font examiner avant l'accouchement, et le taux de mortalité est relativement élevé1.

La maternité hébergée dans l'ancien hôpital de Charleroi est appelée à fermer ses portes en 1937, le bâtiment devant disparaître pour faire place aux nouvelles écoles du sud. Les forces vives de la région se mobilisent alors pour édifier une maternité moderne, se voulant être dépourvue de toute opinion politique, philosophie ou religieuse.

Le 12 décembre 19352, les administrateurs communaux du Grand Charleroi, réunis à l'Université du Travail à l'initiative de Joseph Tirou et Paul Pastur, adoptent le principe de création d'une nouvelle maternité. Le 8 mars 1936, la maquette définitive est publiée dans les journaux locaux.

Joseph Tirou et Léopold III en direction de la Maternité Reine Astrid lors de son inauguration, le 23 mai 1937

Les travaux débutent bientôt sur un terrain appartenant à la ville, cédé à l’IOS. S'y situait à l'origine l'ancien cimetière de Charleroi, désaffecté vers 1910 et transformé durant une vingtaine d'années en un « Parc du repos », période pendant laquelle les inhumations n'y sont plus pratiquées. A la demande des familles, certaines concessions sont déplacées dans le nouveau cimetière de Charleroi-Nord, mais les restes mortels de nombreux carolorégiens y restent inhumés. Le passé du site se rappelle à la mémoire occasionnellement, comme lors de travaux de fondation en 2007.

La nouvelle maternité, conçue pour donner aux femmes un maximum de garantie, d'hygiène et de confort, est érigée en moins d'un an (7 à 8 mois selon les sources), dans un style contemporain et donnant une note élégante au quartier. Oeuvre des architectes Marcel Leborgne, Raymond Van Hove, et Oscar Duchat, le bâtiment aux lignes sobres épouse la courbure du terrain et s'étire sur 180 mètres de façade. La longue courbe chaleureuse et maternelle et la façade revêtue de pierre rosée caractérisent le bâtiment. On y accède via un large perron qui donne accès à un hall intérieur en marbre clair.

Les promoteurs souhaitaient initialement dédier l'institution à Paul Pastur, qui refusa cet honneur et proposa la dénomination de « Maternité Reine Astrid », en mémoire de la Reine décédée tragiquement en 1935.

Le Roi Léopold III visite la Maternité le 23 mai 1937 mais n'assiste pas à son inauguration officielle, qui se déroule après le départ du souverain. Les discours d'inauguration sont prononcés après son départ afin d'éviter de raviver la douleur de souverain. La nouvelle structure contribue rapidement à baisser considérablement de taux de mortalité infantile de la région.

A son ouverture,

« l'aile « Paul Pastur », au rez, accueille les patientes à qui les soins sont accordés gratuitement. L'autre aile est destinée à héberger les femmes mutuellistes, moyennant une somme forfaitaire de 500 francs, comprenant la pension durant 10 jours, les interventions médicales et les soins.

La partie arrière est réservée aux laboratoires, salles d'opération et d'accouchement. La maternité en compte 5 dont 3 situées aux étages.

Au premier étage se situent les chambres destinées aux patientes intervenant dans les frais d'accouchement et de séjour ; le prix de la pension est fixé ici entre 35 et 100 francs par jour. Les chambres sont plus vastes et l'ameublement plus luxueux et où l'intéressée est généralement seule.

Le boulevard Zoé Drion dans les années 40. A gauche, la Maternité Reine Astrid et l'Institut Gailly, et à droite, l'Hôpital Civil

A l'étage supérieur est installée une école d'accouchement avec les dortoirs pouvant recevoir 22 élèves, chacune disposant d'une chambrette.

La partie arrière du second étage est réservée à des malades présentant un danger de contamination.

Le 3ième étage est réservé au personnel.

Les installations sanitaires sont des plus modernes et le souci d'hygiène a été porté à un degré jusqu'alors encore inconnu ; toutes les découvertes les plus récentes de la technique moderne sont appliquées avec succès.

La partie inférieure de l'immeuble est réservée aux consultations prénatales, et à la logistique »3.

En collaboration avec Victor Bourgeois, Leborgne élabore en 1938 sept esquisses pour une extension de la Maternité4. L'une d'elle sera finalisée et construite en 1955, le nouveau bâtiment se pliant autour de l'aile gauche de la Maternité. Il abrite aujourd'hui le CPAS de Charleroi.

La Maternité Reine Astrid est le lieu de naissance de nombreux carolorégiens ; entre deux et cinq mille enfants y naissent annuellement.

Bâtiment à l'architecture reconnue et lieu symbolique aux yeux des habitants, la Maternité est néanmoins menacée de disparition au début des années 80.

De nombreuses infrastructures de l’IOS présentaient des coûts de fonctionnement élevés et commençaient à être décriées dans des périodes économiquement plus difficiles. En 1984, la maternité enregistrait un déficit de 30 millions de francs. Devenue vétuste, concurrencée par des hôpitaux plus modernes, sa remise aux normes est jugée trop coûteuse dans une période de restriction budgétaire. Le 27 février 1985, la décision de mettre un terme à son histoire est communiquée officiellement. En fonction jusqu'en 1986, les services de maternité et de néonatalogie sont intégrés dans d'autres établissements hospitaliers de l'IOS.

Oeuvre remarquée de Leborgne, et malgré une réaffectation prévue pour les services du CPAS, malgré la mobilisation de la population et une tentative de classement, le « paquebot rose » est livré aux démolisseurs en 1988. Une barre d'immeuble occupe aujourd'hui le site.

NOTES : 

(1) : Journal de Charleroi, 24/05/1937

(2) : Journal De Charleroi, 08/03/1936

(3) : Indépendance Belge (L') - 18/06/1937

(4) : Charleroi Métropole : Guide architecture moderne et contemporaine 1881-2017 / Collectif. Sous la direction de Iwan Strauven, Judith Le Maire et Marie-Noëlle Dailly. Bruxelles : 2017. p. 105



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Toutes les illustrations, sauf mention contraire, sont issues de la collection de l'auteur.

Certaines images ont été colorisées manuellement ; malgré l'utilisation de plusieurs sources, il n'a cependant pas été possible de déterminer pour certains éléments la gamme de couleur d'origine.


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