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Boulevard Audent


Tracé sur les terrains récupérés suite à la démolition des fortifications entre 1869 et 1871, le boulevard marque la limite entre les Villes Haute et Basse. Arboré en son milieu, le boulevard devient quelques années après sa création l’un des lieux de résidence privilégié pour les avocats et les médecins.

Boulevard Audent, vue vers le Palais de Justice. Carte postale ancienne, Editeur inconnu

Dans un premier temps désigné boulevard de l'Entre-deux-villes, la nouvelle artère devient boulevard Central en 1873. Sous ce nom, l'artère reliait le haut de l'avenue du Viaduc (avenue des Alliés) à l'actuel rond-point du Luxembourg. Le 31 mai 1889, le boulevard est renommé boulevard Audent en hommage au bourgmestre Jules Audent. Le 2 novembre 1921, la section comprise entre le boulevard Bertrand et la rue de la Montagne est rebaptisée boulevard de l'Yser.

Avocat, bâtonnier de l'Ordre, Jules Audent (1834 - 1910) fut également sénateur. Au niveau communal, il fut conseiller communal de Charleroi de 1863 à 1872, et échevin jusqu’en 1879. Il devient bourgmestre de Charleroi en 1879 et occupe ce poste jusqu’au 1er janvier 1904. Jules Audent fut décoré Officier de la Légion d'Honneur, ainsi que Commandeur de l'Ordre de Léopold.

Jules Audent est le premier à diriger une grande vague d'urbanisation de la ville, découlant de la disparition des remparts. Charleroi tire un trait sur son passé de petite ville militaire et se transforme en un centre urbain, véritable capitale régionale. De 1879 à la mort de Audent, deux mille maisons sont construites sur le territoire Charleroi ; la population citadine augmente à cette époque de 10.000 unités.

Maison Audent, boulevard Audent

En 1877, Jules Audent fait ériger sa demeure familiale sur le boulevard Central, à proximité des futurs parc communal (1882) et Palais de Justice (1880) ; la maison Audent est l’un des premiers édifices construits sur le nouveau boulevard. De style néo-Renaissance, le vaste bâtiment de 1500 m² fut le quartier général du commandement militaire allemand, puis des forces alliées, durant la dernière guerre mondiale. En 1958, le consulat d’Italie de Charleroi s’y installe, et y reste pendant presque 50 ans. C’est là que les italiens de la région vennaient accomplir des formalités administratives. En 2012, le Consulat déménage vers son nouveau siège, rue Willy Ernst. Le bâtiment est aujourd’hui appelé à devenir une maison des artistes, à l’initiative de la chanteuse Mélanie De Biasio et de son projet « Alba ».

Sur le trottoir qui fait face à la Maison Audent subsistent des pavés de la Société Anonyme de Produits Céramiques et Réfractaires de Marchienne-au-Pont ; cette entreprise se situait route de Mons à Marchienne et fabriquait des carreaux et pavés genre Sarreguemines. La marque de cette société est toujours visible sur le sol.

C’est en bordure du boulevard Audent qu’est érigé le Palais de Justice en 1878-1879. Œuvre de l’architecte parisien Albert Ballu, le bâtiment est inauguré le 10 juillet 1880. De style néo-classique, le Palais de Justice est en bâti en pierres de France, lui donnant un certain cachet, mais participant à sa perte. Très friables, ces pierres montreront rapidement de l’usure. La région connaissant une importante croissance démographique, le nombre de salles d’audiences ne suffit rapidement plus : de trois salles d’audience lors de son ouverture, le Palais en compte 13 au début des années 1960, aménagées partout où un agencement était possible. A travers les décennies, le bâtiment ne cesse de se dégrader : des murs et des plafonds sont lézardés, du plâtrât s’effondre dans les salles d’audience,… Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le besoin d’un nouveau Palais se fait sentir.

Le Palais de Justice. Carte postale ancienne, Editeur inconnu

Les travaux de construction d’un nouveau Palais sur la Plaine des Manœuvres débutent en 1958, mais il faudra une décennie pour que le nouveau bâtiment soit achevé. L’ancien Palais, totalement déserté en 1969, est rasé pour faire place un temps à un parking, et un immeuble de bureaux par la suite.

Installés à l’avant de l’ancien Palais, surveillant les marches d'entrée, deux lions veillent sur les allées et venues des justiciables : surnommés Totor & Tutur par Le Journal des Charleroi, les deux lions dialoguent dans les colonnes du périodique. Bien que ne s’exprimant plus dans les journaux et ayant été transférés près du nouveau Palais de Justice, les deux lions conservent une place dans le cœur des carolos.

La communauté Protestante disposait depuis 1851 d’un lieu de culte sur la Place Verte. Pouvant accueillir 300 fidèles, le temple de la Ville-Basse se révéla rapidement trop exigu, nécessitant soit une extension, soit la construction d’une nouvelle église. Sa localisation en bord de Sambre en milieu bâti et les nombreuses nouvelles parcelles disponibles à l’Entre-deux-Villes feront privilégier la deuxième solution. Le 1er novembre 1880, après moins d’un an de travaux, plus d’un millier de fidèles assistent à l’inauguration du nouveau Temple Protestant de Charleroi sur le boulevard Audent.

Ancien Collège des Jésuites. Carte postale ancienne, Editeur inconnu

Durant l’été 1875, les Jésuites acquièrent une étroite bande de terrain reliant la rue de Montigny au boulevard Central. L’année suivante, aidée par des tiers, la communauté religieuse devient propriétaire de onze autres parcelles jouxtant la première. Le 3 octobre 1876, les Jésuites ouvrent un Collège rue de Dampremy, et préparent la construction d’un nouvel établissement scolaire sur les terrains récemment acquis. Ils font appel à l’architecte Cador afin d’ériger des bâtiments de style néo-gothique. La première pierre du nouveau Collège est posée le 18 juin 1877. En octobre 1878, une partie des bâtiments est terminée, et les écoliers prennent possession du Collège du Sacré-Cœur. En 1881, les travaux sont entièrement terminés. Menacé de fermeture une dizaine d’années après son ouverture, le Collège arrive à faire face à ses difficultés financières, et le succès de l’établissement ne fait que croître.

En 1951, le mur ceinturant le Collège côté Audent/Pont-Neuf est démoli afin de construire des magasins sur le pourtour de la cour. Un cinéma est également aménagé à la même époque dans l'aile nord du bâtiment : « Le Parc ». En 1977, les Jésuites font démolir les anciens bâtiments presque centenaires afin de reconstruire un complexe moderne.

Le parc communal est inauguré le 24 juin 1882, bordant en partie le boulevard Audent. A cette occasion, l’éclairage électrique de la voirie est également mis en œuvre pour la première fois à Charleroi ; cette installation est due à Julien Dulait et à ses ateliers, qui donneront plus tard naissance aux Ateliers de Constructions Electriques de Charleroi (ACEC). Dénommé Parc communal, il devient Parc Reine Astrid le 16 octobre 1935, en hommage à la reine décédée le 29 août de la même année dans un accident de voiture.

Le Temple protestant de Charleroi

Le 22 août 1914, Charleroi sombre dans le chaos. Les allemands entrent en ville et incendient sur leur passage des centaines de bâtiments dans le centre-ville et dans les communes avoisinantes. L’axe reliant le Viaduc au Collège des Jésuites forme un incendie presque continu. La lueur de l’incendie est visible à des kilomètres à la ronde. Sur le boulevard Audent, les ruines des maisons incendiées, écroulées, se comptent par dizaines. Les carolorégiens vont s’activer toute la journée et la nuit afin de limiter la propagation aux autres quartiers. Autour de Charleroi, la bataille de la Sambre fait rage. Des centaines de blessés, français ou allemands, sont amenés des champs de bataille pour être soignés à Charleroi. Le Collège du Sacré-Cœur notamment se transforme en ambulance et en centre d'accueil.

Au lendemain de la guerre, le boulevard se rebâti. Plusieurs bâtiments érigés à cette époque le sont par les architectes Joseph André et Marcel Depelsenaire, deux grands noms de l’architecture carolorégienne. Ces immeubles donnent toujours aujourd’hui au boulevard un certain cachet :

  • L’immeuble de rapport « Maison Chouvette » (n°2), par Joseph André, en 1919
  • La Maison Parent-Derbaix (n°16), par Jules Laurent, en 1916-1920
  • Un immeuble à appartements (n°11), par Joseph André, en 1922
  • La Maison Dermine et l’habitation privée de Depelsenaire (n°40-42), par Marcel Depelsenaire, en 1920
  • La Maison Tonneau (n°45), par Joseph André, en 1929

En 1942, un attentat a lieu à Marcinelle au siège de la Sipo-SD (Police de sûreté et des services de sécurité, administrée par la Gestapo). Peu de temps après, la SD transfère ses quartiers boulevard Audent. Un témoin de la Seconde Guerre Mondiale est toujours aujourd'hui visible sur l'une des façades du boulevard : au numéro 34, une flèche peinte renseigne « Nach Philippeville », indication mise en place par l'armée allemande.

Statue de Jules Destrée avec un Pheuillus en 2016

Au carrefour formé avec la rue de la Montagne et le boulevard de l’Yser se dresse depuis 1957 une statue monumentale de l’avocat et homme politique Jules Destrée, réalisée par Alphonse Darville. Figurant parmi les premiers parlementaires du Parti ouvrier belge, Destrée est acquis à la cause sociale et à la défense des plus faibles. La statue de Darville représente Jules Destrée debout, une main en poche, et l’autre légèrement en avant, incitant au dialogue. L’emplacement sélectionné pour accueillir le monument n’est pas le fruit du hasard : il faisait face au Palais du Peuple (coin Montagne /Yser) que fréquentait Destrée, et se situait à quelques pas de l’ancien Palais de Justice, où Destrée exerça son métier d’avocat.

En 1983, deux passionnés de livres acquièrent la vieille « Taverne du Barreau » du boulevard Audent afin d’en faire une librairie. Rapidement, la librairie Molière connaît le succès et diversifie ses collections. En 1996, elle déménage vers la Ville-Basse, dans l’ancien Hôtel des Postes.

A l’angle des boulevards Audent et Defontaine est aménagé à la fin des années 80 un Parcoville. Sorte de kiosque permettant de parquer automatiquement sa voiture dans un silo souterrain, sans intervention humaine, le système ne connaîtra jamais le succès. La société chargée de la gestion des parcovilles carolorégiens tombe en faillite en 1999. Après une tentative éphémère de reprise, les parcovilles ferment à nouveau en 2004. En 2013, la ville prend la décision de démolir l’ensemble des parcovilles de Charleroi.



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